Je rentre donc dans le Luberon et je me consacre à piloter à distance la réparation du moteur et à tenter de former un nouvel équipage pour la suite du convoyage.
Nous sommes au printemps 2003. En trois semaines, je ne trouve aucun équipier pour continuer avec moi.
Je décide de tenter le passage du Cap Finisterre en solo. Des amis voileux de passage m’indiquent qu’il est réputé difficile, que les courants qui descendent du golf de Cascogne rencontrent les vents qui soufflent venant du sud à cette période provoquant une mer hachée et des creux.
Je n’ai jamais navigué en solo et ce qui me tracasse le plus est d’accoster seul. Je demande au Capitaine du port de Ribadeo s’il peut me trouver un marin qui puisse me donner quelques heures de formation à l’accostage. Il me répond que le mécanicien fera parfaitement l’affaire, que c’est un très bon navigateur et un très bon pédagogue.
Je retourne donc à Ribadéo dès les réparations terminée. Le mécanicien m’explique que le moteur n’a subi aucun dégat. Nous convenons d’une formation à l’accostage de deux heures. D’un bout à l’autre du port, j’apponte ou j’accoste en assurant la manœuvre seul. Cela se passe très bien, j’ai mon bateau bien en main.
J’attends une météo favorable et je décide de naviguer exclusivement de jour.
Agrandir le plan
Un matin, je quitte Ribadéo en direction du Cap Ortegal. J’ai un vent contraire qui m’oblige à naviguer au moteur. Passé le Cap, la mer commence effectivement à se creuser, et bientôt je me trouve dans des creux de cinq à six mêtres. Je suis debout derrière la barre à roue, j’ai l’impression d’être dans un manège à faire des montagnes russes.
J’arrive avant la nuit dans l’immense port de La Corogne. Il y a beaucoup de vent et je suis fatigué. Je décide de m’accrocher à la bouée d’un corps mort ou sont postés beaucoup d’autres bateaux, dans l’avant port.
Je m’endors très rapidement et me prépare à me lever tôt. Je n’ai aucun bulletin météo mais je pense que le vent ne changera ni de direction, ni d’intensité.
Dès que je suis sorti de l’abri de La Corogne, même régime de creux que la veille, des creux et une nouvelle journée de montagnes russes, avec un vent de face qui ralenti beaucoup ma progression.
Je ne fais qu’une trentaine de miles et la mer s’est encore creusée. Je décide de gagner un abri dans la baie de Corme et Laxe.
Pendant la descente vers le port de Corme, je navigue au « travers » et les vagues buttent brutalement sur le gouvernail.
J’arrive près de la digue du port de Corme. A deux cents mètres de la digue, plus de barre. Je plonge récupérer la barre franche de secours et j’entre dans le port.
Aucune activité, seulement un bateau de la Marine Espagnole et quelques marins qui pèchent du quai.
Je leur demande de l’aide pour accoster. Ils m’amarrent sur deux grosses bites et je monte sur le quai qui se trouve un mètre plus haut. Avant de partir vers la capitainerie, je lâche du mou sur les haussières car la marée est descendante.
Le capitaine du port me met en rapport avec le patron du chantier local qui parle français. Il viendra le lendemain matin !
Je rentre vers le bateau qui est descendu d’environ soixante-dix centimètres. Je saute du quai sur le bateau, je me reçois mal et je me fais une entorse.
Pour la nuit, je me mets à couple à une barge qui se trouve au milieu du port. Le lendemain matin je suis réveillé par le patron de la barge. Je fais de nouveau appel aux marins du bateau de la Marine Espagnole qui m’aident aussi à sortir du bateau, car je traîne la patte.
Un pécheur est assis sur un banc et regarde la scène. Il me voit me déplacer en sautant sur ma jambe valide. Il s’approche de moi, me dit de m’assoir sur le banc et me fait comprendre qu’il va chercher quelqu’un. Trois minutes plus tard il revient accompagné d’une femme âgée qui me parle en Français.
« Que vous est-il arrivé ? »
« En regagnant le bord je me suis foulé la cheville. »
« Je vais vous accompagner au dispensaire ».
Quelques minutes plus tard je suis dans la salle d’attente du dispensaire du port de Corme. Lorsque mon tour vient, ma « traductrice » m’accompagne chez le médecin. Celui-ci me fait un stripping, me donne des anti-inflammatoires et me suggère de ne pas bouger pendant cinq jours.
J’invite ma « traductrice » à boire un café puis je retourne au bateau.
Le patron du chantier local monte à bord, regarde ce qu’il faut approvisionner pour réparer et me demande de changer de port. En face de Corme, il y a le port de Laxe plus important ou se trouvent des bateaux de plaisance et ou il pourra me trouver une place.
Je décide de repartir le lendemain matin. Je traverse la baie sans problème et je vais m’enquérir d’une place auprès du capitaine du port en me recommandant du patron du chantier.
Je me retrouve au bout d’un quai ou les gros chalutiers de pèche viennent décharger leur cargaison la nuit. A partir de minuit tous les soirs, des camions frigorifiques arrivent et les caisses de poisson sont transbordées des navires vers les camions. Les pécheurs me proposent du poisson frais à des prix imbattables.
J’attends trois jours sans réponses du patron du chantier. Le quatrième jour je l’appelle au téléphone et il me dit qu’il ne trouve pas les pièces.
Je fouille dans les pièces détachées du bateau et je trouve des drosses de rechange. Je rappelle le patron du chantier, et le lendemain un ouvrier vient faire la réparation.
Je vais faire un essai en mer voir si tout va bien puis je me prépare à repartir. La solitude me pèse et je me dis que je ne vais pas aller bien loin tout seul comme cela.
Le lendemain matin, je regarde la météo. Le vent à faibli un peu mais il est toujours en face. Je repars vers la baie de Vigo.
J’entre dans la baie de Vigo et grâce au guide des marinas et mouillages dont je dispose, je rejoins le port de Baiona.
Je suis fatigué, ma foulure me fait souffrir et je ne me vois pas continuer seul ce convoyage. Je décide de repartir pour le Luberon afin de constituer un nouvel équipage.
Le Monte Real Yacht Club de Baiona est très classe et très sur. Au pied de la forteresse, l’entrée au club est gardée et pour accéder au pontons, il faut passer sous une voute creusée dans le rocher.
J’informe la capitainerie que je vais laisser le bateau pour une durée indéterminée puis je prends le car en direction d’Hendaye puis le train jusqu’à Avignon.
samedi 20 avril 2002
Inscription à :
Articles (Atom)